mercredi 29 septembre 2010

La vie des Bisounours (ou comment je me suis retrouvée à passer une nuit dans un kibboutz)

Avant de vous dévoiler les merveilles de la vie dans un kibboutz, penchons-nous sur cette question : kezako le kibboutz?

Le kibboutz est une collectivité de personnes, installées en Israel, qui vivent sur les bases du socialisme associatif. En gros, tout ce qui est à toi est à moi et tout ce qui est à moi est aussi à toi.
Enfin, ça c'était l'idée de départ. Car depuis quelques années, la plupart des kibboutz sont devenus des entreprises capitalistes avec hôtels, guesthouses, et volontaires internationaux qui viennent faire le linge et autres tâches (cf, autre post).

Israel compte environ 250 kibboutz peuplés de 120 000 personnes.


Après cette brève présentation : comment je me suis retrouvée à passer une nuit dans un kibboutz?
Pour cela, prenez un groupe de 3 personnes, mettez-les dans une voiture, envoyez-les se promener dans la Haute-Galilée et le Golan, refoulez-les d'une auberge de jeunesse parce qu'elles ne sont pas juives, faites-les prendre 2 autostoppeurs israéliens à la nuit tombée et le tour est joué!
Et comme le hasard fait bien les choses (pas de "coïncidence", le mot en hébreu n'existe pas), nous avons aterri au kibboutz Deganya B, le "petit frère" de Deganya A, premier kibboutz créé en Israel en 1909.




Sooooo, meet Amir and Lirone.






Amir et Lirone ont 24 ans, ils étudient la psychologie. Amir est de Haïfa et Lirone a vécu toute sa vie dans un kibboutz.

Dans celui où ils habitent actuellement, il y a environ 500 personnes. Tout le monde se connait, mange ensemble, se rend des services et va au bar.



Le bar du kibboutz est ouvert 2 soirs par semaine et il est tenu par... un mec du kibboutz! Les bières sont à 8NIS (1,5 euros) et passée une certaine heure tout le monde se sert gratuitement. Ben oui, c'est ça la communauté.
Ici, tout le monde est beau et gentil. Nos hôtes étaient hyper serviables, vraiment. Et Amir n'a pas cessé de nous le répéter : "Israel is the best, the holly land, everything is made in the name of God, Israeli people are really nice" and so on.
En revanche la Palestine ils connaissent pas. Un de leurs amis nous explique que JAMAIS il n'ira là-bas. Ou alors ce sera armé et dans un char.




L'appart d'Amir et Lirone

Tous les 50 mètres, des abris anti-aériens.





Les fameuses pompes qui alimentent en eau les kibboutz, direct depuis le Jourdain.

lundi 27 septembre 2010

Voir Hébron et pâlir

Arrêtons-nous aujourd'hui sur la ville d'Hébron (Al-Khalil en arabe).

Hébron (sud de la Cisjordanie) 166 000 habitants palestiniens, 500 colons israéliens et 4000 soldats israéliens pour les protéger.
Et au milieu de tout ça : le Tombeau des Patriarches où sont enterrés Abraham, Isaac et Jacob. Un lieu TRES saint donc pour les Juifs et les Musulmans. D'où l'installation de colons à l'intérieur même de la ville.

Hébron illustre malheureusement assez bien le conflit israélo-palestinien.

Depuis 1997, la ville est divisée en 2 : H1 (80% de la ville sous contrôle palestinien) et H2 (20% sous contrôle militaire israélien).



Dans la vieille ville, cette séparation a eu des effets complètement surréalistes.
En bas : les commerces palestiniens, en hauteur : les colons juifs qui balancent des pierres et autres objets sur les Palestiniens. D'où les grillages pour se protéger.







Certaines parties de la ville sont également coupés en deux et les Palestiniens ont même l'interdiction de se balader sur la rue principale : Shuhada Street, fermée depuis 1994.




(Et comme dans beaucoup de villes palestiniennes, il y a beaucoup d'enfants trop cute!)

dimanche 26 septembre 2010

A Wall in Palestine



Location : Ramallah, Bethléhem.
Chanson sur le droit au retour des réfugiés palestiniens interprétée par une élève de l'école de Naplouse.

samedi 25 septembre 2010

En Palestine, il ne faut pas être pressé

Ca va faire 2 semaines maintenant que je suis arrivée en Israël-Palestine. Et au fur et à mesure de mes rencontres, je me rends compte qu'un des thèmes qui revient souvent dans la bouche des Palestiniens est celui de la liberté de mouvement. Ou plus exactement de l'absence de liberté de mouvement.

En Cisjordanie, l'armée israélienne contrôle plus de 500 checkpoints (permanents ou provisoires).
A ces barrages, souvent faits de blocs de béton, de barbelés, entourés par des guitounes et peuplés de soldats armés (la plupart ont moins de 30 ans), les Palestiniens et les étrangers doivent montrer leurs passeports, dire d'où ils viennent et où ils vont, et quelques fois ouvrir le coffre de la voiture (pour être sûr qu'il n'y a ni bombe, ni Palestos caché)
Mais certains checkpoints ne sont pas que des "points de contrôle", ils sont surtout des "interdictions de passage".
Par exemple, les Palestiniens qui ont des plaques minéralogiques vertes (la plupart d'entre eux donc) sont purement et simplement interdits de passage vers Israël. Aucune plaque verte n'est autorisée, visible en Israël. En revanche, les plaques jaunes (israéliennes) circulent partout.
Ce qui fait que certaines personnes n'ont jamais pu aller à Jérusalem, alors même qu'elles habitent à 15 kilomètres.


Checkpoint de Qalandia pour aller de Ramallah à Jérusalem




Checkpoint pour sortir de Bethlehem (Jérusalem de l'autre côté du Mur)

Et les checkpoints génèrent aussi des embouteillages énormes. A certaines heures de la journée, il faut parfois 2 heures pour passer les contrôles. Des voitures et des bus qui arrivent dans tous les sens, une seule voie d'accès, bref c'est le bronx total.
Je suis rentrée de Bethlehem pour rejoindre Ramallah tout à l'heure. C'est à 20-25 kilomètres, j'ai mis une heure et demi à cause des 2 checkpoints (1 pour sortir de Bethléhem vers Jérusalem et donc entrer en Israël et un autre pour entrer en Cisjordanie à quelques kilomètres de Ramallah).
Il faut donc parfois ruser et faire des grands détours pour éviter les gros checkpoints où c'est attente et klaxons assurés.
D'où un adage bien connu par ici : "la route la plus rapide, n'est pas forcément la plus courte".
Je sens que je serai vachement zen sur le Périph' au retour quand il me faudra une heure pour faire Porte d'Orléans - Porte d'Italie.




Mais les chekpoints ne se passent pas qu'en voiture. Il y a aussi les piétons.
Quand on prend un bus, il faut le plus souvent descendre du bus au barrage, passer les contrôles à pied et reprendre un autre bus de l'autre côté du barrage. Ouais, c'est assez sportif. Et tout ça sous une chaleur de plomb et avec des soldats israéliens qui prennent un malin plaisir à faire poireauter tout le monde.

Il va sans dire que pour aller bosser il faut donc se lever tôt.
A Bethlehem, nombreux sont ceux qui ont des permis pour travailler en Israël. Le matin, des centaines de personnes se pressent pour passer de l'autre côté du Mur. Elles sont entassées dans un couloir grillagé et attendent pendant des heures pour pouvoir passer le portique.
Les Palestiniens y font la queue dès 3 heures du matin.... pour commencer le boulot à 8 heures.

vendredi 24 septembre 2010

un Mur, des manifs

Depuis 2002, Israël construit une "clôture de sécurité" autour de la Cisjordanie. A terme, le Mur doit faire plus de 700 kilomètres. Officiellement pour des mesures de sécurité, et pour empêcher les "terroristes" d'entrer en Israel.

La construction du mur a été jugée contraire au droit international mais son édification se poursuit.

Qalandia checkpoint, à la sortie de Ramallah vers Jérusalem




Avec ce Mur, certains villages palestiniens se sont retrouvés coupés du monde, d'autres carrément divisés en deux et certains habitants se sont retrouvés avec leurs terres du côté israélien.

Depuis 2005, des manifestations dites pacifiques se déroulent dans une quarantaine de villages palestiniens coupés en 2.
Elles regroupent des Palestiniens, des défenseurs des droits de l'Homme, des pacifistes et même des Israéliens de gauche.
Les plus connues sont celles de Bil'in, Nil'in, Hébron et Bethléem. Elles ont lieu le vendredi ou le samedi.

A Bil'in, à 12 kilomètres de Ramallah, 60% des terres sont dorénavant en territoire israélien et les habitants se battent pour les récupérer et surtout pour pouvoir les cultiver.
La manif a lieu tous les vendredi à midi.
Chaque semaine, c'est le même rituel. Un cortège, des drapeaux palestiniens et parfois d'autres pays qui soutiennent la cause, des affiches, des foulards, des journalistes, des slogans, une marche vers le Mur, des soldats israéliens sur les dents, quelques jets de pierres côté palestinien et toujours la même fin : les soldats qui tirent des gaz lacrymo, des balles en caoutchouc et parfois des balles réelles.

La semaine dernière, quand nous avons assisté à la manif, les conditions étaient plutôt favorables : un temps couvert avec une température plus basse que d'habitude et pas mal d'étrangers (ce qui dissuade souvent l'armée israélienne de s'engager dans des actions violentes). Mais au bout d'une heure et demi de confrontation et de provocation, la réponse ne s'est pas faite attendre : gaz lacrymo en veux-tu en voilà. Peut-être une centaine de tirs. On a bien toussé, bien pleuré, mais on a tenu bon.






Cette semaine en revanche, la situation était beaucoup plus tendue. Les soldats étaient déjà passés de l'autre côté du Mur, ils attendaient les manifestants.
En une demi-heure, ça a dégénéré. Tirs de gaz lacrimo et d'un autre gaz non identifié. Sensation de brûlure dans le haut du corps, les poumons complètement bloqués et la vue à moitié brouillée. Tout le monde s'est vite replié. Mais un des leader palestinien a reçu une balle en pleine jambe.








lundi 20 septembre 2010

scène ordinaire

Elle attend le bus pour Yad Vashem.
Elle est blonde, 20-22 ans peut-être. Elle monte dans le bus direction le musée d'Herzl (père du sionisme).
Elle a passé 2 mois dans un kibboutz dans le nord d'Israel. Elle s'occupait de la blanchisserie avec d'autres volontaires venus du monde entier.
L'après-midi, elle faisait du sport et allait à la piscine.

Maintenant, elle retourne à Boulogne-sur-mer pour continuer ses études de lettres. Mais elle n'est pas du Nord, elle est d'Avignon. Les Ch'tis, ça la fait pas rire.
Elle écoute notre conversation, regarde au loin, tourne la tête, parfois nous pose des questions.

Elle n'est jamais allée dans les "Territoires" comme elle les appelle. Elle n'en voit pas l'intérêt.
En écoutant notre conversation, elle comprend que nous, on va y aller en Cisjordanie. Et même y rester quelques semaines.
Elle demande pourquoi on y va.
On tente d'expliquer.
Elle se tourne vers nous :
- et alors, ils crèvent vraiment la dalle dans les Territoires?
On se regarde, un peu soufflés par la question, qui n'en est d'ailleurs pas vraiment une.
Quoi répondre à ça?
On tente d'expliquer que les Palestiniens vivent comme ils peuvent.
- ah ouais, c'est pas comme on montre à la télé alors! dit-elle en se tournant vers la fenêtre.
Point final à la discussion.
Et dire qu'il y en a qui discutent de la paix à Washington...

jeudi 16 septembre 2010

A chacun son regard



Arrivés à Jérusalem via le bus 405 au départ de la gare routière de Tel Aviv. Chaleur étouffante dehors, clim à l'intérieur. On respire.
1h de trajet et nous voilà au sacro-saint. Jérusalem, ville berceau de 3 religions. Autant de sites saints, d'apparitions divines, d'évocations mystiques et j'en passe.

L'auberge où nous logeons se trouve au coeur de la vieille ville, séparée elle aussi en 4 quartiers : Chrétien, Musulman, Juif et Arménien (et ça, on le dit pas assez !!)
Chaque quartier a ses caractéristiques, ce qui permet de savoir instantanément dans quelle zone on se trouve dans ce dédales de petites rues.
Grosses pierres au sol : quartier chrétien.
beaucoup de monde, de vie et d'agitation : quartier musulman
tout neuf, tout moderne : quartier juif.



Les principaux sites se trouvent dans la vieille ville. On a donc visité les 3 lieux saints des 3 religions.
Tout d'abord, le mur des Lamentations.
Des centaines de gens agglutinés contre le Mur qui prient, chantent, crient. Sensation bizarre, proche de la peur parfois de voir autant d'engouement mystique.
Les femmes et les hommes sont séparés. Le coin des femmes est bien sûr riquiqui et elles se retrouvent entassées alors que le coin des hommes est 3 fois plus grand...
Sur l'esplanade, on croise de tout. Des jeunes, des vieux, des orthodoxes, des rabbins, des écoliers, des mères de famille. Tous sont plongés dans la Torah et font un mouvement de va et vient en priant.







Direction ensuite le Saint-Sépulcre. Là, où Jésus aurait été sacrifié puis "enterré".
Une basilique immense remplie de fervents catholiques avec foulard sur la tête, prières à genoux, chants chrétiens avec les pleurs qui vont avec. Bref, une ferveur à faire peur.
3/4 d'h de queue pour entrer dans le Saint des Saints à l'intérieur de la Basilique, L'endroit du tombeau de Jésus.
Les gens sont à la limite de la folie.









Le mont du Temple (Haram Ash-Sharif), le 3e site le plus saint de l'Islam après La Mecque et Médine.
Des centaines de fidèles viennent sur cette grande esplanade pour prier par petits groupes. Essentiellement des hommes.
Pour les non musulmans, l'accès n'est pas simple. Il faut passer par le Mur des Lamentations, passer un contrôle strict des bagages et du passeport. Et ensuite une dizaine de soldats de Tsahal jalonnent le passage jusqu'à l'entrée.
Un Américain s'est fait refouler juste avant nous. Dans ses bagages, les policiers ont trouvé un Coran. FAUTE!
- You are what? Jewish?
- No.
- Muslim?
- not really.
- Christian?
- I used to be. Now i want to be a Muslim.
- Wait here.
(ouais, bon d'accord, l'Américain n'est pas très malin, aussi).
Après fouille réglementaire des sacs, on accède à l'esplanade. Il est tôt, il n'y a presque personne, c'est baigné par un soleil de plomb. Le dome du Rocher s'élève au milieu de tout ça. Il y a aussi la Mosquée Al Aqsa, des jardins, des portes style athénien, des fontaines. Il y règne un calme plutôt étrange. Presque pas de bruit. On entend au loin l'agitation de la ville, un sirène parfois. Mais le temps semble suspendu.
Cet endroit cristallise pourtant les tensions. Israéliens et Palestiniens le considère comme l'un de leur lieux saints les plus importants. On peut aussi dire que c'est de là qu'est partie la seconde intifada en 2000 après la visite d'Ariel Sharon sur cette esplanade des Mosquées.